16. Entretien – Promouvoir l’internationalisation d’une région sinistrée : Miyagi-ken

Marica HONGO, jeune employée polyglotte à SenTIA, association d’accueil d’étrangers – Sendai, Miyagi-ken.

Le 11 mars 2011, les territoires du Nord-Est – le Tohoku – étaient touchés par le plus puissant séisme jamais enregistré au Japon, puis balayé par un tsunami d’une rare violence, tuant près de 25 000 personnes et ennoyant les systèmes d’alimentation de secours de la centrale nucléaire de Fukushima, dont le réacteur trois, entre autre, entra en fusion. Parmi les victimes, des habitants des périphéries résidentielles côtières de Sendai – métropole millionnaire à deux heures et demi de shinkansen de Tokyo et poumon économique de la région. Six ans plus tard, c’est là que je retrouve Marica HONGO, jeune femme dynamique de 29 ans, qui m’entraîne immédiatement dans le dédale des ruelles marchandes du centre-ville. Nous traversons quelques carrefours, pénétrons sous la verrière des allées couvertes, empruntons des routes de plus en plus étroites, jusqu’à nous engouffrer dans un passage souterrain quasi-invisible qui émerge, une cinquantaine de mètres plus loin, sur une petite cour intérieure d’un calme saisissant sur laquelle donne un café moderne logé en premier étage d’un bâtiment discret connu des seuls vrais habitants de la ville.

Marica est en effet une enfant du Tohoku. Elle est née non loin de là, dans le département de Yamagata, mais est arrivée à Sendai vers ses trois ans lorsque ses parents sont venus s’y installés – son père en est originaire. Elle n’a presque jamais quitté la ville depuis, sauf pour partir en voyage à l’étranger, et surtout pour aller faire ses études – mais ce n’était, au début, pas du tout prévu. Fraîchement sortie du lycée, elle envisageait d’intégrer la très prestigieuse université du Tohoku, à Sendai justement – l’une des trois grandes facs publiques du Japon, avec celle de Tokyo et celle de Kyoto. Mais après avoir échoué au concours d’entrée, elle s’est résignée à partir étudier dans la capitale : elle espérait intégrer l’Institut Universitaire Chrétien – choix qui n’a rien à voir avec la religion, elle aimait simplement le système d’enseignement, plus ouvert sur le monde, avec en particulier un an d’échange international obligatoire. Après deux années d’insuccès, elle s’est rabattue sur un troisième choix : l’Université de Chuo.

Tant d’échecs, c’était dur. Marica a passé toute sa première année en dépression, incapable non seulement d’aller en cours, mais aussi de dire à ses parents, restés à Sendai, qu’elle n’allait pas bien. Après avoir feint d’étudier pendant les six premiers mois, elle s’est résignée à dire la vérité, d’autant que Chuo s’apprêtait à tirer la sonnette d’alarme. Elle refit alors partiellement une seconde première année, au cours de laquelle elle est partie en Californie, à Riverside. Le choix n’était pas lié au hasard : son ancien lycée de Sendai était jumelé avec un établissement de Riverside, et elle avait accueilli en home stay un étudiant de là-bas pendant deux semaines (elle avait elle aussi fait l’échange dans l’autre sens par la suite). C’est donc son ancienne famille d’accueil qu’elle est allée voir, pendant deux mois. Elle en a profité alors pour rayonner jusqu’à San Francisco : c’est là, en visitant la prison d’Alcatraz, qu’elle a rencontré deux jeunes Allemands charmants avec qui elle est allée à Seattle dans la foulée – c’est qu’ils s’entendaient tous les trois très bien. Cette expérience humaine internationale l’a transformée.

En effet, à Tokyo et au Japon, tout le monde lui mettait la pression en lui demandant régulièrement son âge ou son université – ce à quoi elle avait du mal à répondre car elle avait intégré le supérieur avec deux ans de « retard » (on lui faisait bien sentir) et n’avait pas obtenu l’établissement qu’elle visait… Mais aux Etats-Unis, personne ne lui a posé de questions similaires : elle s’est sentie libérée ! Sa honte est partie. « Ces deux mois aux Etats-Unis ont été comme une thérapie pour moi » confie-t-elle. Avant d’y aller, elle ne savait pas si elle serait capable de terminer ses études. A son retour, elle se sentait nettement mieux…

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