18. Entretien – Être une artiste de la J-pop

Ippongi Bang, mangaka (dessinatrice de BD japonaise) et cosplayeuse – Tokyo

La culture pop participe grandement du rayonnement culturel du Japon, et connait un vif succès international, en particulier chez les jeunes. Elle possède même un nom : la J-pop. Au tournant des années 1990, de nombreuses émissions françaises l’ont popularisée : moins chers que les productions françaises ou européennes, plus abondants, les produits médias nippons inondent alors les écrans occidentaux : jeux vidéo, dessins animés, séries, boys bands, et, bien entendu, BD – les fameux mangas. Leur exportation n’a fait que se renforcer au cours des années 2000 et 2010, si bien que le nombre de dessinateurs – les mangaka – a fortement crû. La notoriété de certains n’a rien à envier aux réalisateurs de cinéma ou aux stars de la musique, en France en particulier où le manga représente le deuxième marché de la planète hors Japon après celui des USA.

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17. Entretien – Prendre soin des déshérités et des laissés-pour-compte du système japonais

Madame Yukiko ITOI, professeure en anthropologie à l’Université Kyoritsu Joshi et membre de l’association Kaze no bâdo – Kotobuki, Yokohama

 

Lorsque l’on arrive au Japon pour la première fois, il est d’abord très difficile d’entrer en contact, voire tout simplement d’apercevoir, la misère et la détresse humaine, tant l’environnement physique et social paraît propre et soigné. C’est ignorer qu’au Japon, quand un composant disjoncte ou qu’un élément ne fonctionne plus, on le cache sous le tapi de l’indifférence collective, ou derrière l’envers coupable d’un décor superficiellement consensuel. A Tokyo, le tapi de la honte se nomme San’ya, sorte de cours des miracles des temps modernes où les laissés-pour-compte du système végètent. A Yokohama, les déshérités habitent Kotobuki. Il ne s’agit pas, pourtant, de lointaines périphéries inaccessibles comme pourrait l’être une banlieue française « sensible ». Non, il s’agit de mouroirs sociaux dans les hyper-centres urbains, à quelques ruelles des principaux centres-commerciaux et des vitrines triomphantes des réussites métropolitaines.

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16. Entretien – Promouvoir l’internationalisation d’une région sinistrée : Miyagi-ken

Marica HONGO, jeune employée polyglotte à SenTIA, association d’accueil d’étrangers – Sendai, Miyagi-ken.

Le 11 mars 2011, les territoires du Nord-Est – le Tohoku – étaient touchés par le plus puissant séisme jamais enregistré au Japon, puis balayé par un tsunami d’une rare violence, tuant près de 25 000 personnes et ennoyant les systèmes d’alimentation de secours de la centrale nucléaire de Fukushima, dont le réacteur trois, entre autre, entra en fusion. Parmi les victimes, des habitants des périphéries résidentielles côtières de Sendai – métropole millionnaire à deux heures et demi de shinkansen de Tokyo et poumon économique de la région. Six ans plus tard, c’est là que je retrouve Marica HONGO, jeune femme dynamique de 29 ans, qui m’entraîne immédiatement dans le dédale des ruelles marchandes du centre-ville. Nous traversons quelques carrefours, pénétrons sous la verrière des allées couvertes, empruntons des routes de plus en plus étroites, jusqu’à nous engouffrer dans un passage souterrain quasi-invisible qui émerge, une cinquantaine de mètres plus loin, sur une petite cour intérieure d’un calme saisissant sur laquelle donne un café moderne logé en premier étage d’un bâtiment discret connu des seuls vrais habitants de la ville.

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15. Entretien – Être détenteur d’un savoir artisanal traditionnel : fabriquer des shamisens

Atsuki FUJIMURA, Jeune artisan-apprenti dans un atelier de fabrique de shamisens  – Nippori, Tokyo.

A Tokyo, on oppose souvent la ville haute du plateau de Musashino, à l’ouest, traditionnellement celle de la noblesse enroulée en une spirale révérencieuse autour du palais de l’empereur, et la ville basse, dans la plaine de l’est, où s’entassaient les foules animées des commerçants, des artisans et du menu-peuple d’Edo. C’est à Nippori, haut-lieu de la ville basse justement, qu’Atsuki m’avait donné rendez-vous. Au sortir de la gare, on plonge dans l’entrelacs compliqué des cimetières urbains de Yanaka, on descend l’étroite rue marchande de Yanaka Ginza – à contre-sens d’un dense flot de touristes – puis on émerge près de Sendagi, entre des échoppes traditionnelles, des bistrots discrets en vieux bois patiné, et deux-trois stands d’immondes bibelots made in China. Atsuki m’attend, décontracté – jeune-homme absolument superbe d’assurance, de flegme et d’énergie, association de contraires subtile que rarement dégagent les Japonais de son âge – son instrument de musique dans le dos : un shamisen – sorte de « banjo » à trois cordes traditionnelle que l’on gratte, pour ne pas dire tape, avec un plectre, la plupart du temps en ivoire.

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14. Entretien – Être sur-insulaire dans un archipel morcelé

Kiyoshi Okuhara, Directeur d’un laboratoire salin – Aguni-shima, Okinawa.

La sur-insularité, dit Philippe Pelletier – géographe reconnu spécialiste du Japon –, c’est l’insularité au carré : c’est être l’île à la périphérie d’une île. Le Japon est constitué d’un bloc de quatre îles principales – dit Hondô – et de plusieurs milliers de petites îles secondaires – dites rettô – qui ont joué un rôle très important dans le rapport de l’archipel au reste du monde : espace tampon lors de la période de fermeture, espace de commerce, espace de piraterie, espace d’exil (volontaire ou forcé), espace sacré, espace tabou… Être sur-insulaire participe du rapport au monde et de l’histoire des Japonais.

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13. Entretien – Descendre d’un ancien royaume conquis par le Japon : les Ryukyu

Monsieur Nakazato, Professeur et directeur d’une école du soir – Naha, Okinawa.

 

Vus d’Europe, les Japonais apparaissent souvent comme un peuple homogène, avec leur culture, leur langue unique, étrange ou belle – c’est fonction des goûts – leur empereur, leur territoire étriqué s’étendant d’Hokkaido, proche de la Sibérie russe, à Okinawa, non loin de Taiwan. C’est sans compter sur le fait, historique, que ces territoires des franges extrêmes ont été conquis sur de vieux peuples autochtones et d’anciens royaumes : les Aïnu au Nord, le royaume des Ryukyu au Sud – actuellement dit archipel d’Okinawa.

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12. Entretien – Descendre des chrétiens cachés de Kyushu et des Goto

Madame Jitsuo, habitante de Fukuejima, dans l’archipel des Goto – département de Nagasaki

            Le Japon a alterné les périodes d’ouverture et de fermeture à l’étranger. Au moment où les Européens partaient à la conquête du monde, poussés par la recherche des épices et des richesses décrites dans le livre des merveilles de Marco Polo, les Japonais, d’abord très curieux de nos mœurs et réceptifs à nos religions, ont très vite fermé leurs frontières, comprenant le danger qui liait évangélisation de masse et subordination au pouvoir de l’Eglise – et donc à l’Occident. Ils ont alors, dans un grand mouvement, banni en 1612 les Européens, les jésuites, les Chinois, et interdit la religion chrétienne – la plupart du temps donnant lieu à des massacres, comme celui des vingt-six martyrs de Nagasaki. L’époque médiévale d’Edo se caractérise ainsi par une longue période de fermeture, à l’exception justement de Nagasaki qui tolérait, sur le minuscule ilot de Dejima, les seuls Hollandais. Les Japonais convertis, quant à eux, furent pourchassés. En 1865, près de deux cents ans plus tard, alors qu’on la croyait décimée et disparue, le père Petitjean redécouvre la communauté des chrétiens du Japon, qui s’était cachée tout ce temps dans le Kyushu et ses nombreuses îles, en particulier l’archipel des Goto.

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11. Entretien – Coexister avec le risque permanent…

Entretien avec Monsieur et Madame ITOU, sinistrés par le typhon qui a frappé le département d’Oita la semaine dernière.

En arrivant à Yasuragi, auberge de jeunesse charmante et discrète au bord de la rivière Mikuma, je trouve la tenancière en panique. Une semaine plus tôt, un cyclone particulièrement puissant a fait de très gros dégâts dans la ville – Hita, petite bourgade historique de Kyushu. De très nombreuses habitations ont été inondées, voire détruites pour certaines, emportées par des coulées de boue ou les cours d’eau transformés en furieux torrents. Sur la route effectivement, j’ai vu des pants entiers de montagne affaissés, des troncs d’arbres déracinés laissés pêle-mêle par les flots jusque dans les fenêtres de premiers étages défoncés. La ville voisine de Haki, en particulier, semble avoir beaucoup souffert.

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10. Entretien – Être un jeune gay au Japon

Ka-kun, manager de Ageha, bar gay à Shinjuku Nichôme, Tokyo.

Alors que je me fraie un chemin dans la foule dense de Shinjuku, je tombe par hasard sur Ka-kun, le jeune gay à qui j’avais donné rendez-vous et que je devais retrouver quelques blocs plus loin, à l’entrée du sanctuaire shinto d’Hanazono. La chose m’amuse, d’autant que Shinjuku est certainement le quartier de Tokyo le plus fréquenté, en particulier à 19h30, lorsque la masse des cols blancs travaillant dans les gratte-ciels de l’Ouest se déverse dans les innombrables restaurants, karaokés et troquets de rue de l’Est. La probabilité de s’apercevoir avant d’arriver au torii du sanctuaire était bien mince.

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9. Entretien – Être une femme divorcée auto-entrepreneuse au Japon

SUZUKI Nana, propriétaire du bar Cha-Neko, à Fujinomori, Kyoto.

Prenant le train depuis la gare centrale de Kyoto en direction de l’ancienne Nara, vous trouverez, une fois descendu à Fujinomori, sur votre droite, juste après la voie ferrée mais avant le pont enjambant un canal endormi, la minuscule et discrète devanture d’un bar étrange entièrement consacré à l’alcool japonais et à l’univers des chats : le Cha-Neko – prononcer « tcha-néko », littéralement, « le chat brun ». Faites coulisser la porte de bois léger, relevez le pan en lin qui indique au chaland l’ouverture de l’établissement, et pénétrez dans la taverne de Nana-san, étroite, basse, tout en longueur, encombrée d’un bric-à-brac vintage à l’effigie exclusive des matous en tout genre – vinyles et tourne-disques en plastique burinés par le dernier demi-siècle, céramiques, statuettes, posters, photographies, et, bien sûr, bouteilles d’alcool pêle-mêle. La tenancière, debout derrière son comptoir, vous saluera alors de son « irrashaimase – bienvenue ! » chaleureux : il s’agit de Nana, femme d’une cinquantaine d’années au parcours rocambolesque, au visage étiré, parfois un peu fatigué, mais au sourire malicieux et vif.

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